Rejoindre une franchise de crêpes ? Avantages et inconvénients

Les franchises de crêpes connaissent un essor en France depuis une décennie. Parmi elles, on trouve Crep'it, L'Ambassade Bretonne, Mamie Bigoude, Crep'Touch et L'Atelier Artisan Crêpier. Les trois dernières ont même participé au Salon de la Franchise à Paris en mars 2024, où j'ai eu l'occasion de rencontrer certains de leurs représentants.

La franchise suscite un vif intérêt, souvent perçue comme un symbole de modernité, bousculant les conventions et renouvelant les pratiques. Mais est-il judicieux de rejoindre une franchise de crêpes ? Je vous livre dans cet article tout ce qu'il faut savoir à ce sujet (avantages comme inconvénients) ainsi que mon avis personnel, qui, comme vous le savez, est toujours très subjectif 😉

1. Qu'est-ce qu'une franchise ?

Une franchise, c'est initialement une idée novatrice testée dans un restaurant sur une période de un à trois ans, avant d'être formalisée et proposée à des investisseurs appelés "franchisés". Ces derniers, peut-être vous demain, s'acquitteront d'un droit d'entrée et verseront une redevance mensuelle pour utiliser le nom et bénéficier des services offerts par la franchise. Le franchisé opère donc dans une zone géographique déterminée, agissant comme un "locataire" d'une idée qui n'est pas la sienne.

Prenons l'exemple de l'Atelier Artisan Crêpier au Salon de la Franchise : pour rejoindre cette franchise, un droit d'entrée de 45 000 € est requis. Après deux ans, le chiffre d'affaires moyen par restaurant se situe entre 1 et 2 millions d'euros avec une marge de 80 %, un panier moyen de 19 €, et une redevance mensuelle autour de 10 %, bien que cela puisse légèrement varier. Cette franchise requiert un apport personnel minimal de 100 000 €, mais dans la pratique, cela pourrait nécessiter bien plus, aux alentours de 400 000 € en comptant l'achat du fonds de commerce et les travaux nécessaires pour lancer l'activité.

2. Quels sont les avantages de la franchise ?

Rejoindre une franchise présente plusieurs avantages, notamment si vous souhaitez démarrer rapidement. En effet, une franchise vous offre un concept clé en main, prêt à l'emploi. De plus, elle peut vous décharger de certaines responsabilités, comme la communication, en prenant en charge ces aspects à votre place. Si vous cherchez du soutien parce que vous appréhendez de vous lancer ou souhaitez minimiser les risques, une franchise peut être également une bonne solution.

Elle vous offre un concept déjà reconnu, des estimations de chiffres d'affaires et de ratios qui vous aideront à vous projeter, grâce à l'expérience des autres membres. Une franchise implique également des partenariats établis par le franchiseur, tant avec des fournisseurs de matériel qu'avec des fournisseurs de produits alimentaires. Le franchiseur vous assiste également dans le recrutement, la communication et la formation, qu'elle soit juridique ou fiscale.

Personnellement, j'ai récemment été contacté par un franchiseur qui m'a proposé de former ses nouveaux franchisés lors d'un tour de France, avec une rémunération de 450 à 500 € par jour, incluant les frais, pour cinq jours de formation par restaurant. Cela montre bien le sérieux de l'engagement en franchise, avec des acteurs possédant une expérience variée, des plus établis aux nouveaux entrants, offrant des opportunités enrichissantes.

3. Les inconvénients de la franchise de crêpes

Je vais maintenant aborder les inconvénients liés à l'adhésion à une franchise de crêpes, car à mon avis, ils sont plus nombreux que les avantages.

Dépendance totale au concept

Le principal inconvénient est la dépendance totale au concept de la franchise. Par exemple, il est impossible de modifier le menu à votre guise. Si vous souhaitez faire un pâte au cidre ou sans gluten ou encore expérimenter des toppings originaux, cela vous sera interdit. Vous êtes tenu de respecter scrupuleusement le cahier des charges de la franchise.

Cela peut être particulièrement frustrant lorsque vous observez sur le terrain des tendances ou des demandes spécifiques que vous ne pouvez pas satisfaire. De plus, vous n'avez pas la liberté de fixer vos propres prix ; ces derniers sont généralement définis par le franchiseur pour garantir une uniformité à l'échelle nationale, à l'instar du prix d'un Big Mac qui reste constant, que vous soyez à Lille ou à Marseille.

Un autre inconvénient majeur est la dépendance aux performances des autres franchisés. Par exemple, si un incident survient dans une autre franchise, comme ce fut le cas pour la boulangerie Paul de la Part-Dieu à Lyon qui a été fermée en avril 2024 pour manquements graves d'hygiène, cela peut affecter négativement la réputation de votre établissement, bien qu'il soit parfaitement géré… et à l'autre bout de la France.

De plus, certaines franchises ont connu des difficultés comme Hippopotamus, Campanile, Buffalo Grill, ou Flunch, mettant en péril les investissements des franchisés liés au concept sans possibilité d'adaptation. Sans oublier les franchises comme Pizza Pie qui ont totalement cessé leurs activités.

Enfin, il est également très difficile de se désengager d'un contrat de franchise avant son expiration, qui dure généralement entre cinq et sept ans. Si pour des raisons personnelles, comme un problème de santé ou le désir de changer d'activité, vous décidez de quitter la franchise, vous pourriez être confronté à d'importantes pénalités financières. C'est un aspect qui nécessite une attention particulière avant de s'engager.

Absence de franchise suffisamment forte pour justifier de payer 10% de son CA

Actuellement aucune franchise de crêpes n'est assez attirante pour justifier de céder 10 % de votre chiffre d'affaires mensuel. Pour que cela soit rentable, il faudrait que la franchise vous apporte au moins 10 % de clients supplémentaires, car en dessous de ce seuil, vous perdriez de l'argent. Si vous gagnez entre 10 % et 20 % de clients en plus, les nombreux inconvénients liés à l'adhésion à une franchise ne compensent toujours pas cet avantage. Il faudrait une augmentation supérieure à 20 % du chiffre d'affaires pour que l'affiliation à une franchise soit justifiable.

Aujourd'hui, avec environ 3 000 crêperies en France, les franchises de crêpes représentent moins de 200 établissements, soit une proportion mineure du marché. Les crêpes sont une tradition millénaire en France, et l'introduction des franchises dans ce secteur est relativement récente. Les concepts actuels, comme des crêpes en cornet ("Barapom") ou des crêpes avec choix de bases et de garnitures personnalisables ("L'Ambassade Bretonne"), ou encore l'introduction de frites, smoothies et milkshakes dans certains établissements ("Crep'Touch"), ne représentent pas une révolution marquante.

Contrairement à des marques internationales comme Starbucks, qui garantissent une qualité constante à travers différents pays, ou des concepts forts comme O'Tacos l'inventeur du "tacos à la française" qui ont su créer un produit unique et une marque forte, les franchises de crêpes n'offrent pas de valeur ajoutée significative qui justifie qu'un client traverse la ville pour venir chez vous.

Pas de technicité importante

L'adhésion à une franchise pour faire des crêpes ne se justifie pas vraiment par un besoin de technicité. En effet, l'équipement nécessaire, comme les crêpières Krampouz, se trouve partout et à un prix accessible, environ 500 euros la crêpière. Quant aux recettes, elles sont aisément trouvables en ligne, à commencer par ma recette de pâte à crêpes professionnelle ainsi que ma recette de pâte à galettes traditionnelle bretonne. De plus, la formation pour apprendre à faire des crêpes est simple à organiser. Nous ne parlons pas ici de techniques complexes comme la confection de brioches de Hong Kong (baos), qui pourraient justifier une formation plus spécialisée. La fabrication de crêpes est suffisamment simple pour que vous puissiez la maîtriser sans avoir à passer par une franchise.

Une matière première peu coûteuse

L'intérêt de l'adhésion à une centrale d'achat dans le cadre d'une franchise de crêpes est souvent limité, étant donné que les matières premières nécessaires sont peu coûteuses. On parle ici de produits basiques comme la farine, les œufs, le beurre, et le lait, qui ont des coûts d'achat relativement faibles. Comme nous l'avons vu, la marge brute peut atteindre plus de 80 %, ce qui signifie que seulement 20 % des coûts sont attribués aux matières premières. Ainsi, l'économie réalisée, même avec des prix négociés, comme une réduction de quelques pour cents sur le beurre, est marginale.

Dans un concept de restaurant plus spécialisé, par exemple avec de la viande d'Argentine qui nécessite un approvisionnement spécifique, un contrôle de qualité rigoureux, et une maturation précise, la centrale d'achat prend tout son sens. Le franchiseur joue un rôle clé en garantissant l'accès à ces produits spéciaux qui pourraient ne pas être disponibles autrement.

Il est important de noter que les centrales d'achat des franchiseurs sont souvent rémunérées par les fournisseurs via des marges arrière, ce qui explique pourquoi l'adhésion à ces centrales est généralement obligatoire pour les franchisés. Cette structure de rémunération motive les franchiseurs à inciter les franchisés à acheter via la centrale, augmentant ainsi leurs propres revenus de fin d'année. Bon à savoir !

4. Mon conseil : ne rejoignez pas une franchise de crêpes !!

Pour conclure, voici mon avis sur les franchises de crêpes.

Premièrement, une franchise vous forme à produire une nourriture standardisée, souvent moyenne, sans jamais atteindre une qualité que vous pourriez espérer voir reconnue dans des guides comme le Fooding ou même le Michelin. L'objectif n'est pas de vous transformer en véritable restaurateur, mais plutôt en investisseur, ce qui est fondamentalement différent.

Deuxièmement, selon moi, l'idée de la franchise est une conception erronée de l'entrepreneuriat. Vous avez peu de liberté et travaillez principalement pour enrichir le franchiseur tout en portant seul les risques opérationnels tels que l'investissement initial, le choix de l'emplacement, le recrutement, et en plus, vous payez 10 % de votre chiffre d'affaires en royalties. Un peu paradoxal, non ?

Troisièmement, et c'est peut-être le conseil le plus précieux de cet article, envisagez plutôt de développer votre propre idée. Explorez ce qui se fait, faites-vous une opinion et créez un concept qui vous appartient. Si vous avez économisé 45 000 € de droit d'entrée en évitant la franchise, investissez cette somme dans l'accompagnement par des consultants ou des coachs. Utilisez ce budget pour élaborer professionnellement votre projet, de la création du nom jusqu'à l'histoire que vous raconterez à vos clients, mais ce sera VOTRE histoire.