Dans le monde de la restauration, la gestion des fumées et des vapeurs est une problématique complexe, particulièrement dans les crêperies où la cuisson des crêpes et galettes génère des émanations importantes. Ces émanations, chaudes et souvent odorantes, présentent des défis en termes de santé, de réglementation et d'acceptation par le voisinage.
Interview de Jean Gabriel Du Jaiflin
J'ai rencontré Jean Gabriel Du Jaiflin, un consultant expérimenté en cuisine professionnelle, pour qu'il nous partage ses recommandations, basées sur des années d'expérience en tant que cuisinier et journaliste, cruciales pour comprendre les enjeux de l'extraction des fumées.
La réglementation : un cadre précis
Cas général
En France, les normes pour l'extraction des fumées sont strictes. Les établissements doivent installer des systèmes d'extraction qui respectent des critères précis, notamment la distance minimale de 8 mètres de toute ouverture et la nécessité d'évacuer les fumées en toiture avec un dépassement de 40 cm du faîtage. La réglementation applicable figure dans le règlement sanitaire départemental. Ces exigences sont particulièrement difficiles à respecter dans les zones urbaines où la majorité des installations ne sont pas conformes.
Il est à noter que les rejets dans les cours d'immeubles ou en façade ne sont pas autorisés.
Enfin le code du travail impose des normes d'extraction des vapeurs et fumées, ainsi que l'introduction concomitante d'air frais tout en maintenant une température permettant aux salariés de travailler dans des bonnes conditions.
"Grandes cuisines"
Une cuisine disposant de plus 20 KW d'appareils de cuisson relève de la catégorie des "Grandes Cuisines". Un certain nombre d'obligations pèsent sur ces installations, comme notamment la mise en place d'extracteurs pouvant fonctionner durant 60 minutes minimum à une température de 400 degrés (en cas d'incendie).
Des exceptions ?
Certains crêpiers installés dans des petits locaux, comme par exemple un salon de thé, croient à tort être dispensés de la mise en place d'une extraction aux normes. Ce n'est malheureusement pas le cas. Une crêperie, quel que soit le nombre de crêpières sont elle dispose, se doit d'être équipée d'une extraction aux normes.
La simple ouverture des portes et fenêtres n'est pas non plus une solution, d'autant plus que le froid rentrera en hiver.
A qui revient de payer les travaux ?
Si le bail mentionne la notion de "restauration", incluant "petite restauration", "snack" ou "crêperie", c'est au propriétaire de mettre en place le système d'extraction (hotte, gaine, tourelle).
Si le bail ne mentionne pas de restauration de nombreuses questions se posent : négociation avec le propriétaire, autorisation éventuelle de la copropriété, choix de la solution technique.
Conséquences sur la valeur du fonds de commerce
La création d'une extraction dans un local aura pour conséquence d'augmenter sa valeur locative (intéressant pour le propriétaire) mais également d'augmenter d'au moins 50% la valeur du fonds de commerce. C'est une bonne nouvelle pour le restaurateur, qui pourra de la sorte financer mieux convaincre son banquier pour financer les travaux.
Des litiges de plus en plus fréquents
L'administration peut être saisie des nuisances par le voisinage, conduisant à des demandes de mise en conformité et dans les cas extrêmes des fermetures administratives.
La récente actualité rapporte également plusieurs procès en cours à propos des odeurs émanant de restaurants, dont des crêperies. Comme il n'existe aucun instrument de mesure pour évaluer une odeur (nature, importance, fréquence) l'appréciation sera subjective et nécessitera la mise en œuvre d'expertises contradictoires pour éclairer les juges.
La réponse des fabricants d'équipements
Pour faire face aux besoins les industriels ne sont pas restés les bras croisés.
La première réponse a été de mettre en place des tourelles en toiture rejetant les fumées verticalement, et non pas horizontalement.
Plusieurs technologies sont disponibles pour l'extraction des fumées, chacune avec ses spécificités. Dans tous les cas il faut disposer d'un contrat d'entretien pour vérifier au moins une fois par an le fonctionnement de l'installation et dégraisser les conduits.
Filtres à charbon actif
Bien que moins coûteux, les filtres à charbon actif nécessitent un entretien régulier et ne sont pas toujours efficaces contre toutes les odeurs.
Ultrasons et ultraviolets
Ces technologies, plus avancées, permettent une neutralisation plus efficace des odeurs mais représentent un investissement plus important.
Production d'ozone
Bien que très efficace, cette solution peut être dangereuse si mal gérée et nécessite un espace suffisant pour être sécuritaire (il faut installer une gaine de 15 mètres de long minimum, par exemple en faux plafond).
L'utilisation de ces solutions de traitement des odeurs neutralise très fortement les effluves. Si tel est le cas, et que personne ne se plaint, une sortie de l'air discrète en façade ou sur cour pourra être tolérée.
Quel est le coût d'une extraction en restaurant ?
Une petite installation à charbon actif débute à 2 500 € HT mais il faut plutôt compter sur un investissement compris entre 15 000 € et 20 000 € (étude et mise en œuvre).
La facture peut rapidement grimper jusqu'à 80 000 € si les volumes à extraire sont importants, les distances jusqu'en toiture sont longues ou bien si les technologies sont élaborées (comme celles qui recyclent l'air).
Quelle astuces pour réduire les coûts ?
Il n'en existe malheureusement pas.
L'achat de matériel domestique est très fortement déconseillé car les performances ne seront pas au rendez-vous, ni la fiabilité attendue d'un matériel professionnel.
Le recours à du matériel d'occasion est également déconseillé car il doit être préalablement parfaitement nettoyé, ce qui est difficile avec les graisses.
Conclusion
La gestion des fumées en cuisine professionnelle est un défi multidimensionnel qui requiert une compréhension approfondie des réglementations, des technologies disponibles et des implications financières.
La collaboration avec des experts pour optimiser l'efficacité du système est vivement conseillée afin de naviguer dans ce domaine complexe.
Pour aller plus loin sur le sujet vous pouvez contacter Jean Gabriel Du Jaiflin
Bonjour,
Merci pour ces mines d’informations !
J’ai une question, pour une crêperie savez-vous quel est le diamètre minimal pour la gaine d’extraction ? 300 est-ce suffisant ou trop juste ?
Merci et bonne continuation !
Bonjour Jacques. Le diamètre minimum pour une extraction dans un restaurant dépend de plusieurs facteurs, notamment le type de cuisine, le volume de repas préparés, et les équipements utilisés (débit et distance de la sortie en toiture). Cependant, pour les systèmes d’extraction de fumées et de vapeurs dans les cuisines professionnelles, un diamètre commun pour les conduits d’extraction est d’environ 300 à 400 mm. A vérifier avec le fournisseur, donc.
Bonjour Bertrand, merci beaucoup pour votre réponse rapide ! Bonne journée à vous
Merci pour cette vidéo hautement instructive. Même après 14 ans spécialisée dans les baux commerciaux et confrontée régulièrement à ces problèmes d’extraction, j’ai appris des choses !
Merci pour ces encouragements ! Le sujet dérange car en ville il est souvent impossible de respecter la réglementation. Il suffit d’un voisinage pointilleux pour que tout bascule : le concept du restaurant, la valeur du fonds de commerce… sans parler du temps passé en contentieux. Autant partir sur de bonnes bases en s’entourant en amont de bons professionnels.